Retourner au bulletin Mars 2017
Kim Fellows
Ces anecdotes sont communes et reflètent la désinformation qui est inévitable lorsqu’on aborde un sujet aussi complexe : la protection des pollinisateurs. L'abeille a malheureusement fait les manchettes mondiales depuis les dernières années dues au déclin de ses colonies, en grande partie à cause de la maladie, des pesticides et de la perte de son habitat. Mais l'abeille mellière n'est qu'une des 20 000 espèces d'abeilles trouvée dans le monde. Ici en Amérique du Nord, nous avons environ 4000 espèces d’abeilles indigènes. L'abeille mellifère est effectivement la seule à fabriquer du miel et de la cire en quantités exploitables, ce qui explique peut-être en partie pourquoi l'apiculture urbaine est devenue un passe-temps à la mode et est souvent considérée comme un moyen de «sauver les abeilles».
Cependant, l'abeille mellifère n'est pas originaire d'Amérique du Nord. Elle est arrivée ici avec les colons, il y a environ 400 ans. Et les abeilles ne risquent pas l'extinction, selon les critères de la Liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature. Cependant, six de nos abeilles canadiennes sont répertoriées comme étant à risque, et une autre, le bourdon Bombus affinis, est classée comme en voie de disparition. De plus, il y a une pénurie de données pour évaluer de façon juste la majorité de nos abeilles indigènes.
Deux scientifiques canadiennes, Sheila Colla de l'Université York et Scott MacIvor de l'Université de Toronto, soutiennent que les pertes d'abeilles ne sont pas tant un problème de conservation puisqu’elles sont après tout un problème de « gestion des animaux domestiques ». Elles affirment qu’il faut s’intéresser d’avantage à la perte des pollinisateurs indigènes et sont inquiètes du fait que l'accent est mis actuellement sur l'abeille mellifère. Elles soutiennent particulièrement le fait que les apiculteurs bénéficient de plus en plus d'un accès à des aires naturelles, souvent sans évaluation préalable de l'impact sur l'environnement ou sans surveillance continue des communautés d'abeilles indigènes, lorsqu’on sait pourtant que les habitats naturels sont généralement riches en diversité d’insectes.
Mesdames Colla et MacIvor soulignent qu'une colonie d'abeilles est généralement composée de 50 000 à 60 000 individus au milieu de l'été, nombre qui diminue de 20 000 à 30 000 en basse saison. Ces grandes colonies sont capables d'une concurrence intense des ressources avec toutes les abeilles indigènes qui vivent déjà dans la même zone. Le Conseil canadien du miel dit que les abeilles doivent visiter plus de 2,6 millions de fleurs afin de produire une livre de miel. Et selon Julie Zahniser de Forage and Nutrition NAPPC Task Force, une revue des articles scientifiques suggère qu'une colonie d'abeilles mellifères a besoin d’au moins quatre à cinq acres de fleurs en constante floraison pour se soutenir. Et encore, on dit de cette estimation qu’elle peut être prudente.
Ainsi, lorsque les citadins se lancent dans l'apiculture en ayant souvent très peu d’expérience préalable, le nombre d'abeilles qui doivent être nourries, ainsi que le risque de maladies des abeilles, augmente également, menaçant les populations d'abeilles indigènes. Vous pouvez voir un exemple du nombre de nourriture et d'habitat nécessaires à ces quelques nouvelles ruches de Toronto dans cette série de tweets. Peut-être serait-il préférable de créer davantage de coopératives, comme le Toronto Beekeepers Collective. De cette façon, les gens vraiment intéressées par les abeilles pourraient s'impliquer dans l'apiculture sans augmenter le nombre de ruches dans une région donnée. Et peut-être plus important encore, les nouveaux apiculteurs seraient mieux encadrés et bien formés dans le processus.
Les abeilles mellifères sont en effet des créatures merveilleuses qui aident à polliniser de nombreuses cultures agricoles et à produire de la cire et du miel. Comme les autres pollinisateurs, elles sont confrontées à un certain nombre de menaces pour lesquelles elles ont raison d'attirer l'attention des médias. Mais pour la plupart d'entre nous, en particulier ceux d'entre nous qui vivons en milieu urbain, la meilleure chose que nous puissions faire est de profiter de cet engouement pour nous familiariser avec les abeilles indigènes qui ont besoin de protection.
Et quelle est la meilleure chose que nous pouvons faire pour «sauver les abeilles»? C'est encore de planter des fleurs! Il nous faut pourvoir aux besoins des pollinisateurs en leur assurant une floraison continue, du début du printemps à la fin de l'automne, de plantes indigènes qui offrent du nectar et du pollen. Bien que les abeilles accomplissent la plupart des services de pollinisation dont nous avons besoin, d'autres pollinisateurs indigènes du Canada, comme les papillons, les papillons de nuit, les coléoptères et les guêpes, sont également importants. Plus grande sera la diversité végétale indigène offerte aux pollinisateurs, plus riche sera la diversité des pollinisateurs eux-mêmes.
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Kim Fellows est la coordonnatrice de Pollinisation Canada
Photo: Bourdon.
Kim Fellows
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