Retourner au bulletin Août 2019
La ville la plus septentrionale au monde, Longyearbyen dans l’archipel du Svalbard, a le triste record mondial de la perte la plus importante et la plus rapide du pergélisol. Plusieurs édifices ont été construits en présumant que le sol allait rester à jamais dur comme le roc. Mais avec les hausses rapides de la température, ces structures commencent à s’enfoncer dans le sol.
Pourquoi en parler… et pourquoi le lectorat de Semences du patrimoine a-t-il l’impression d’avoir déjà entendu le nom de Longyearbyen? Cette municipalité norvégienne abrite la banque de semences la plus célèbre au monde, la Réserve mondiale de semences du Svalbard, où sont entreposées des semences culturales du monde entier dans l’Arctique afin d’assurer la sécurité à long terme de notre système alimentaire.
Les conservateurs de semences savent que le meilleur moyen de préserver la viabilité des semences est de les entreposer au sec et au froid. Il y a peu d’endroits peuplés aussi froids que Longyearbyen, ce qui en faisait un site idéal pour une banque de semences de cette importance. Mais les experts commencent à se demander si cela ne risque pas de changer aussi à cause des changements climatiques.
Selon le Rapport 2100 du climat au Svalbard publié par l’Agence environnementale de la Norvège en janvier 2019, la moyenne annuelle de température terrestre du Svalbard était de 8,7 Celsius sous le point de congélation avant 2000. Même si elle dépassait largement le zéro pendant le court été, cette moyenne annuelle très basse garantissait que le sol ne dégelait jamais en profondeur.
Mais depuis 2000, la température moyenne a augmenté de 3 à 5 degrés (selon la région) et le rapport prédit un réchauffement de 10 degrés de plus. Cela ferait monter la température annuelle moyenne au-dessus du point de congélation et provoquerait inévitablement la fonte du pergélisol. Il s’ensuivrait une aggravation de l’érosion et des glissements de terrain, et cela provoquerait de graves dommages aux édifices dont la stabilité dépend du pergélisol.
Cela signifie-t-il que les semences sont en péril? C’est possible, mais le Svalbard reste l’un des sites les plus sûrs au monde pour les conserver. Loin de tout conflit, difficile à atteindre pour les voleurs et les vandales et protégée par l’un des gouvernements les plus stables au monde, la Réserve mondiale de semences peut s’adapter plus facilement que toute autre banque de semences.
Bâtie dans un ancien puits de mine, la Réserve s’appuie sur le roc d’une montagne plutôt que sur le sol gelé comme bien des maisons de Longyearbyen. Une préoccupation reste le risque d’inondation en cas de fonte des neiges imprévue, comme celle qui a formé une petite mare d’eau dans le principal tunnel d’accès à l’automne 2016. Le gouvernement norvégien a depuis amélioré le tunnel, mais il est difficile de prédire à quel point le pergélisol dégèlera et ce que cela peut provoquer.
Un élément essentiel, mais souvent oublié : la Réserve mondiale de semences n’est pas notre seul entrepôt de semences. C’est le système de sauvegarde de plus d’un millier de banques de semences dans le monde, dont chacune dessert le pays où elle est située et collabore avec les autres à l’échelle internationale. À l’instar des sauvegardes sur votre ordinateur, on ne s’en sert pas souvent. Et si elle est détruite, on peut faire une nouvelle sauvegarde. Par le passé, on a déjà prélevé des semences de la Réserve mondiale pour remplacer des échantillons perdus dans des régions du monde moins sûres que le Svalbard. Mais nous rappelons à notre lectorat que les producteurs de semences sont les véritables sources et les véritables dépositaires de notre biodiversité alimentaire. Les banques de semences ne sont qu’un outil à leur disposition.
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Photo: Bjoertvedt [CC BY-SA 3.0], via Wikimedia Commons
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