Depuis que je travaille pour Pollinisation Canada, l'une des choses qui m'a le plus surprise a été d'apprendre que les abeilles ne sont pas indigènes à l'Amérique du Nord. Leur nom propre, l' « Abeille européenne », les trahit. Il s'avère que nos abeilles bien-aimées ont traversé l'océan il y a presque 400 ans, avec des colons qui se sont établis à Jamestown, en Virginie. Depuis lors, les abeilles se sont faites aimer pour elles-mêmes, pour leur miel si doux qu’elles partagent pour le plaisir de nos papilles gustatives, pour la cire des bougies, et leur précieuse aide à la pollinisation des plantes diverses.
Cependant, les abeilles sont loin d'être les seules - ou même nécessairement les plus efficaces – à polliniser les cultures canadiennes. La pollinisation se réfère au mouvement des grains de pollen, qui doivent être transférés de la partie mâle de la fleur à la partie femelle. Sans ce transfert essentiel de pollen, la plante est incapable de former des graines ou de se développer correctement en un aliment nécessaire à la vie sauvage ou à notre alimentation. Les pollinisateurs sont des espèces clés qui ont un rôle essentiel à jouer dans le maintien de la structure des écosystèmes. Découvrez quelques-unes de nos abeilles pollinisatrices indigènes.
L'abeille indigène à courge a évolué avec les plantes qu’elle aime polliniser: les courges et autres cucurbitacées, comme les citrouilles, les concombres et les courgettes. Ces abeilles ne peuvent voler qu’à seulement 500 m de leur nid qui sont généralement situés dans le sol juste sous les plantes qu’elles pollinisent. Jusqu'à 70% de toutes les abeilles indigènes nichent sous terre. L’abeille à courge se met au travail avant l'aube, ramassant le pollen et se nourrissant du nectar des fleurs de la courge. Leur journée se termine à midi au plus tard. Pour ce qui est des abeilles mellifères, les belles au bois dormant peuvent commencer leur quête de nourriture aussi tard que 9h! S’il y a du vent, de la pluie ou que la température est plus froide que 15 ° C, les divas resteront paresseusement dans leur ruche. Si vous pouviez interroger les abeilles sur leurs préférences, les données sembleraient indiquer un dédain pour le pollen de courge, mais une passion intense pour le sarrasin ou le pollen de bourrache, et la volonté et la capacité d’en obtenir même jusqu’à une distance de 12km.
Pendant des années, des ruches d'abeilles domestiques ont été placées parmi les buissons de bleuets afin de pouvoir augmenter les rendements, sans résultat. Et pour cause, la pollinisation de la fleur de bleuet exige ce que l'on appelle la pollinisation « buzz ». La fleur de bleuet est structurée de telle sorte que seule une agitation vigoureuse permet de libérer le pollen. C’est ici qu’entre en jeu le bourdon indigène. Le bourdon a l'incroyable capacité de disloquer les muscles de vol de ses ailes et de simplement secouer la fleur de bleuet, et d’accomplir ainsi une pollinisation très efficace. Les abeilles ne se spécialisent pas dans la pollinisation « buzz ». En outre, les bourdons ne se préoccupent pas du temps plus frais et ils butinent généralement plus tôt au printemps que les abeilles, un facteur important pour les cultures fruitières hâtives. La pollinisation « buzz » est également nécessaire pour les cultures comme les tomates, les canneberges et les poivrons.
Un autre exemple d'un pollinisateur indigène est l’abeille Masson - nommée ainsi parce qu'elle remplit son nid avec un mélange de feuilles et de mortier fait de boue. Pour polliniser une acre de verger, il faut seulement quelques centaines de ces abeilles. Il faudrait cependant, pour la même acre, 20 000 à 30 000 abeilles mellifères. Une étude récente effectuée dans des vergers d'amandiers a mis en évidence que les abeilles mellifères préfèrent visiter les fleurs supérieures des arbres, tandis que les abeilles indigènes s’attardent aux branches les plus basses.
La disparition largement publicisée des abeilles, appelé Syndrome d'effondrement des colonies (SEC), a attiré l'attention du public sur les enjeux de l'industrie des abeilles mellifères et des baisses dans nos propres populations d’abeilles sauvages indigènes. Ce qui était inconnu était l'impact de la baisse des abeilles sauvages sur les rendements agricoles. Jusqu’à tout récemment, personne ne l'avait encore mesuré. En février dernier, un rapport a été publié dans la revue Science, intitulé Wild Pollinators Enhance Fruit Set of Crops Regardless of Honey Bee Abundance (Les pollinisateurs sauvages augmentent les récoltes fruitières indépendamment de l'abondance d’abeilles mellifères). Les résultats démontrent que les abeilles mellifères ne maximisent pas ni ne remplacent complètement la contribution des diverses espèces d’abeilles indigènes dans la production des cultures vivrières. Les conclusions sont valables en particulier pour des cultures qui ont été régulièrement approvisionnés en ruches d'abeilles, comme les amandes, les pommes et les bleuets. L'étude soutient l'idée selon laquelle une plus grande diversité de pollinisateurs augmente le rendement des cultures.
Les résultats de ce rapport soutient l’implantation de politiques de gestion intégrées qui comprennent autant des abeilles natives que mellifères, ce qui confirme les intentions du programme existant en Amérique du Nord appelé l’Agriculture respectueuse des abeilles ® (ARA). Les agriculteurs et les jardiniers peuvent se certifier eux-mêmes pour indiquer l'utilisation de pratiques agricoles qui encouragent et améliorent la santé des pollinisateurs. Les agriculteurs respectueux des abeilles consacrent au moins 6% de leur superficie totale à fournir de l'eau propre, des sites de nidification et de fourrage naturel pour les abeilles indigènes à travers une variété de caractéristiques de l'habitat.
Grand-mère avait raison : la diversité est le piment de la vie!
~Kim Fellows, Pollinisation Canada
Références et autres ressources
Sue Chan’s Recommendations for Conservation of Pollinators on Farmland and A Landowner's Guide to Conserving Native Pollinators in Ontario
Best Management Practices for Pollination in Ontario Crops (relevant beyond Ontario)
NAPPC Agricultural Task Force: Farmer Profiles and Resources
Lucas A. Garibaldi, et al. AM. 2013. Wild Pollinators Enhance Fruit Set of Crops Regardless of Honey Bee Abundance. Science (DOI:10.1126/science.1230200).
Claire Brittain, C. Kremen, A.-M. Klein. Biodive