Retourner au bulletin Mars 2016
À peu près au même moment, on offrit d’autres variétés à cycle plus court, mais aucune n’était aussi idéale que l’Alacrity. L’Earliana était devenue très populaire en 1916, et certaines variétés moins connues aux noms intrigants comme First of All et Earliest and Best étaient offertes dans les catalogues du début des années 1900. Ce qui fait l’importance de l’Alacrity, c’est qu’elle fut sélectionnée et introduite au Canada par un obtenteur canadien.
Selon Dan McMurray, qui a cultivé et comparé plusieurs de nos tomates canadiennes préférées, la tomate Alacrity typique est un fruit rond et rouge de 4-8 onces qui mûrit en 60-70 jours. Les producteurs ont constaté une variation du nombre de jours nécessaires à la maturité, peut-être en raison de différences dans les conditions de culture. Quoi qu’il en soit, c’était rapide pour une tomate de taille moyenne en 1916, un temps de mûrissement plus court d’au moins une semaine par rapport aux variétés comparables.
La vitesse de maturation était une priorité clé à la Ferme expérimentale du Dominion à Ottawa, où l’Alacrity fut mise au point. Rebaptisé par la suite Ferme expérimentale centrale, l’établissement a été créé par le gouvernement fédéral en 1886 pour promouvoir la recherche agricole au Canada. Une grande partie du travail qu’on y réalisait, comme dans d’autres centres de recherche du gouvernement, consistait à introduire des variétés que l’on peut cultiver de manière fiable dans les conditions de culture rigoureuses du Canada. À l’époque, c’était littéralement la clé de la colonisation des terres dans le nord et dans l’ouest du pays.
Sir William Saunders, premier directeur de la Ferme expérimentale du Dominion, passa à l’histoire pour avoir introduit des variétés aussi importantes que le blé Marquis. Il constitua une équipe de scientifiques, d’obtenteurs de variétés végétales et animales, et d’horticulteurs, et les fit travailler ensemble à un vaste éventail de projets. L’un de ses assistants des premiers jours, William T. Macoun, deviendrait l’un des plus célèbres horticulteurs du Canada et le héros de cette histoire.
On ne peut résumer dans un bref article les décennies suivantes des travaux de Macoun. Son nom figure dans un nombre incalculable de publications, de documents scientifiques, d’articles de revues populaires et de liste de prix en sciences horticoles. Il travailla surtout sur les pommes et plusieurs de ses variétés, comme la Melba et la Lobo, sont encore connues de nos jours. Mais il travailla également à des projets aussi divers que la mise au point d’un maïs sucré à cycle court et le contrôle de maladies telles que la brûlure de la pomme de terre et la rouille de l’asperge.
Aux alentours de 1900, Macoun amorça le projet de mise au point de variétés améliorées de tomates qui mûriraient assez vite pour être cultivées de façon fiable dans les régions du Canada à courte saison de culture, où le blé était devenu la base de l’agriculture. À l’époque, on ne comprenait pas totalement les lois de la génétique, et la sélection végétale se faisait de façon intuitive, par tâtonnement… et avec une bonne dose de chance. On attribue souvent au semencier et obtenteur américain Alexander Livingston la popularité des tomates à la fin des années 1800, et ses idées avant-gardistes sur la sélection végétale menèrent à la création de plusieurs variétés encore connues, dont la Livingston’s Beauty, la Golden Queen et l’Acme. L’une de ses variétés populaires était la Stone, une tomate fiable, ronde et rouge introduite en 1889.
La culture de la Stone était assez répandue dans le nord-est des É.-U. et elle servit de base à plusieurs variétés, dont une excellente tomate extrêmement précoce découverte par un fermier du nom de George Sparks. Sparks conserva les graines de ses tomates Stone ayant mûri le plus tôt et il finit par vendre sa propre variété sous le nom de Sparks’ Earliana (souvent appelée aujourd’hui seulement Earliana). Comme elle mûrissait près d’une semaine plus vite que la Stone, l’Earliana devint très populaire, mais W. T. Macoun croyait qu’il pouvait encore l’améliorer.
Après une décennie de sélection, Macoun avait une excellente candidate. En 1915, il lui donna le nom d’Alacrity. Elle fut d’abord offerte directement aux agriculteurs, peut-être en raison de l’urgence de la Première Guerre mondiale, par l’entremise du réseau émergent des centres de recherche agricole du Canada et, en 1916, présentée comme nouvelle variété commerciale dans les catalogues de semences de l’époque.
La première annonce commerciale connue de l’Alacrity figurait dans le magazine Canadian Horticulturist de 1916, il y a exactement 100 ans de cela. Pour la première fois, le Canada possédait une variété de tomate qui lui appartenait vraiment!
Même si elle était très connue dans la première moitié du 20e siècle, on a du mal à trouver l’Alacrity de nos jours. Elle fut suivie de centaines d’autres variétés à maturation rapide, savoureuses et de qualité. Mais l’Alacrity est encore une bonne tomate. Faites-en l’essai et célébrez un siècle de tomates canadiennes dans votre potager cette année!
Sources connues : Prairie Garden Seeds, Gretas Organic Gardens.
Jim Ternier, Prairie Garden Seeds.
Tatiana Kouchnareva, Tatiana’s TomatoBase.
The Canadian Horticulturist 39.3, Peterboro, Ontario, 1916.
Essays on the Early History of Plant Pathology and Mycology in Canada, Ralph H. Estey, McGill-Queens University Press, 1994.
Ornamental Garden to Commemorate Life and Work of Dr. W.T. Macoun, Ottawa Citizen, May 30, 1936.
Sparks’ Earliana, Salem County Historical Society, 2012.
Des tomates créées au Canada, Christene Rafuse, Semences du patrimoine, août 1990.
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